La théologie au 12° siècle, CHENU Marie-Dominique
(1895-1990) Paris : Vrin 2006 - 407 page.
Ce livre classique de MD Chenu, expose un
renouveau de la pensée chrétienne, qui s’enracine dans les ouvertures et dans
les conflits d’une société européenne en pleine mutation. Il
s’agit d’un livre “d’histoire des idées” et, au dire de Jacques Le Goff, un des
meilleurs. C’est un moment capital de l’histoire de la théologie chrétienne
occidentale, au coeur de la “Renaissance
“ du XIIème siècle. Chenu
explore ici la naissance, de la théologie latine proprement dite. Phase
décisive par la mise en place de catégories fondamentales qui baliseront la
pensée européenne pour des siècles : l’autonomie et l’accessibilité de la
nature, la possibilité de tout juger à partir des exigences de la raison, y
compris les contenus religieux, Le “propre de l’homme”, le ”pourquoi” de son
existence, le rôle de l’histoire. Le passage de la littérature, avec ses
grammaires, à la philosophie, avec ses questions.
La
nouveauté est de méthode : elle a créé
une discipline nouvelle et même une nouvelle rationalité. Anselme de
Cantorbéry, moine normand du Bec Hellouin, primat d’Angleterre après la
conquête de Guillaume, ne craint pas
d’étendre l’autorité du raisonnement à la critique de la Bible elle-même,.
C’est un moment unique dans l’histoire humaine et, partout ailleurs, les
religieux ont su s’en défendre, comme en Islam, contre Averroès, ou dans le
judaïsme contre MaÏmonide, tous deux cantonnés “à la marge”. La “pénétration”
de la rationalité - essentiellement grecque
- au cœur d’un système religieux est restée unique. L’étude historique
des évolutions de longue durée manifeste l’importance de ce cas de figure
exceptionnel : Cf Marcel Gauchet ( “Le désenchantement du monde”, etc...).
Le livre de Chenu est divisé en deux
parties “Première scolastique” et “Réveil évangélique et science
théologique”. Dans un cadre nouveau
:ordres mendiants, redécouverte de l’Orient, naissance des Universités. Des domaines nouveaux se
délimitent : nature et raison, humanisme, histoire, la langue ,en route vers la philosophie. Ce
blog en présentera quelques uns.
Qui était
Marie-Dominique Chenu ?
Frère
dominicain, Chenu a été théologien et historien, éclairant ces deux démarches
l’une par l’autre. Il a été chargé de la formation des dominicains de 1930 à
1942, puis, écarté de sa charge, il a mis en pratique ses idées sur la mission
chrétienne dans le soutien actif aux prêtres-ouvriers, jusqu’à leur
interdiction en 1954. Exilé et plus ou moins réduit au silence, avec le
P.Congar et d’autres, il a refait surface au Concile de Vatican II où il a joué
un rôle important, en tant qu“expert”.
Reconnu
partout pour sa compétence mais devenu presqu’aveugle, il a su garder jusqu’à
sa mort, à quatre vingt quinze ans, l’optimisme, la rigueur intellectuelle et
la formidable capacité de sympathie qui
ont marqué tous ceux qui ont eu la chance de croiser son parcours. Le
XXème siècle aussi a été un “grand siècle de théologie” et, sans doute, dans le
silence de Dieu, il a connu des saints...
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François Douchin
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