Le décès de Jacques Le
Goff, dont les leçons ont été si utiles à notre groupe de travail "Culture
et théologie au moyen-âge", nous donne l'occasion de communiquer son
dernier "apport", au travail de Geneviève Berail sur l'évangélisme
de François d'Assise. Il s'agit de la préface, utilisée par Geneviève comme
introduction, au livre de Le Goff sur François d'Assise.
Préface
François d’Assise, personnage historique, contemporain
du tournant décisif pour la Chrétienté occidentale des XII°-XIII°s. Ce moment
où le Moyen-Age se modernise, devient dynamique, fait bouger la religion et la
société. Lieu bouillonnant de ces changements en Occident : l’Italie
centrale.
Aux marges de l’Eglise, sans tomber
dans l’hérésie ; révolté sans nihilisme, François d’Assise ira dans les
villes en plein essor, au contact de la civilisation courtoise, sur les routes
et dans les ermitages, inaugurer une nouvelle pratique de la pauvreté, de
l’humilité, de la parole. Il a joué un rôle décisif dans l’essor
des Ordres Mendiants, diffusant un apostolat différent pour la nouvelle
société ; apparaissant - à notre époque - comme l’inventeur médiéval de la
Nature, qui s’exprime dans la religion, la littérature, l’art ; et le
modèle d’un nouveau type de sainteté centrée sur le Christ, auquel il s’est
identifié. Au point d’être l’un des personnages les plus impressionnants en son
temps, et encore aujourd’hui pour l’Histoire médiévale.
Les biographes nous en donnent une
image qui allie simplicité et prestige, humilité et fascination, physique
ordinaire et rayonnement exceptionnel. Il est représenté dans une simplicité
accueillante. Il nous apparaît familier, mais réservé. Si bien que j’ai été
attiré par cet homme hors du commun, historiquement et humainement exemplaire
pour tous les temps. Il m’a inspiré le désir d’en faire un objet d’Histoire
totale. Mais je ne l’ai pas fait. Parce que d’autres l’ont bien fait. Ce
qui est présenté, à la demande de Pierre Nora, c’est un ensemble de textes
consacrés au Poverello.
François d’Assise se retrouve loin des élucubrations
pseudo-millénaristes dans lesquelles il n’a pas sa place [Jacques Delarun,
Chiara Frugoni, et moi-même, avons une sensibilité similaire vis-à-vis du
(déroulement de l’histoire ? ) franciscaine.
Je me suis servi de quatre textes, parus en anglais et en italien dans
un n° spécial de la revue internationale de théologie : « Concilium » (1981), qui le placent,
de façon chronologique, dans son contexte géographique, social, culturel et
historique.
Ces textes nous présentent les
renouvellements et les pesanteurs du monde féodal au tournant des XII°-XIII°s ;
les luttes entre les différents groupes de la société ; les
transformations des traditions auxquelles François n’a pas échappé : homme
et saint, sans cesse déchiré.
« I Protagonisti », paru en italien (1967). Expose les problèmes
de ses écrits et de ses biographies, liés à son image et à l’interprétation du
personnage ainsi que son influence dans le milieu franciscain du XIII°s.
Les conflits internes de l’Ordre témoignent de l’interprétation de la personne
et des intentions de son fondateur, et surtout, des contradictions et des
luttes du Moyen-Age central.
Les
colloques de St Cloud de 1967 et 1973 : sont axés sur le vocabulaire des
catégories sociales chez François d’Assise et ses biographes du XIII°s.
Repérer, faire entendre, élucider la parole des hommes du passé est une des
tâches primordiales de l’historien.
François d’Assise, qui a voulu agir sur
la société de son temps, s’exprime verbalement, ou par écrit. Son outillage de
mots, d’idées, de sentiments est mis en valeur dans ce texte qui éclaire les
instruments dont il s’est servi pour la toucher et la transformer :
vocabulaire d’action.
J’ai scruté l’influence du
franciscanisme primitif sur les modèles culturels du XIII°s.Je propose une ébauche de l’univers
culturel de cette époque et un repérage de la présence de François et de ses
disciples dans cet univers.
Où est le vrai François ? Où est mon
François ?
--
François Douchin
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