lundi 17 février 2014

Le Christ juif



Un coup de cœur pour le livre de Daniel Boyarin "Le Christ juif", dont la presse parle assez largement et qui se lit facilement pour qui connaît un peu le judaïsme contemporain de Jésus. Voilà un historien américain juif (qui se dit pratiquant) qui lit très finement les évangiles et replace les enseignements de Jésus dans le contexte de la Tradition juive et des textes inter testamentaires qui circulaient au temps de Jésus. 



En analysant longuement la figure du "Fils de l'Homme" il montre que l'idée de la venue d'un Messie envoyé de Dieu, “Rédempteur divino-humain”, se trouve dans Daniel 7 et était acceptée par une certaine tradition juive. De même la figure du Serviteur souffrant d’Is 53 pouvait s’appliquer au Messie à venir (et non seulement au peuple d’Israël) selon certaines interprétations juives. Pour cela, il s’appuie largement sur les textes inter-testamentaires et conclut que les éléments de la christologie chrétienne à venir étaient déjà en place au moment de la vie de Jésus et qu'il n'y a donc rien d'étonnant à ce que des juifs se soient mis à sa suite.

Il s'attache à replacer ce que l'on appellera plus tard le christianisme dans le contexte d'un judaïsme très diversifié où cohabitaient des juifs de diverses sectes dont celle de ceux qu’il appelle les  "juifs chrétiens".Pour lui, la grande nouveauté  des évangiles, " c'est de déclarer que le Fils de l'Homme est déjà là.... La nouveauté c'est Jésus" qui marche sur les sentiers de Galilée et se présente comme le Fils de l'Homme. Bien sur, ses thèses historiques ne feront pas l’unanimité, en particulier sa discréditation du Concile de Javné. Son silence sur les écrits de Paul pose aussi question. Mais il faut lire ce livre avec des pages revigorantes sur Jésus et la casherout. Pour lui, Jésus n'est pas un”juif marginal” contrairement à une idée assez largement répandue. Une fois finie la lecture de ce livre court et dense (186 pages), on se prend à rêver d’oser se plonger dans son autre livre, plus technique  celui-là, "La partition du judaïsme et du christianisme " traduit en 2011 qui se trouve bien sur à la bibliothèque du CTM !!!


--



Françoise Nallet
♦ Fonds consultable sur le catalogue en ligne : http://catalogue.abcer.org
♦ Site internet : www.abcer.org



 

1 commentaire:

  1. Il y a des œuvres sympathiques et salutaires en ce qu’elles nous empêchent de se croire détenteurs de la vérité et de se prendre pour meilleurs que les autres. L’Histoire est souvent un pédagogue intelligent. Mais il faut aller jusqu’au bout…
    Déjà le titre me surprend. Qu’un « juif orthodoxe », comme il se définit, parle du juif Jésus, cela peut aller de soi ou presque. J.P. Meier, américain aussi et prêtre catholique, dans son œuvre magistrale qui fait autorité, n’a aucune hésitation à employer le mot « juif » mais il ajoute dans son titre un adjectif que les traducteurs en français n’ont pas osé rendre vraiment. Pourquoi ? Y aurait-il un problème ?

    Il me semble qu’en milieu juif, pour dire la même chose, on parle de « messie ». Pourquoi utiliser ici le mot « Christ » qui est devenu un titre chrétien ? Pour faire sympa ? Pour faire croire que c’est du pareil au même ? Je commence à m’inquiéter. Une forme d’annexion parmi d’autre ? Ce n’est pas ainsi qu’on peut progresser dans le dialogue interreligieux.
    J’aurais bien des choses à dire, mais je crois que l’espace est limité. Si quelqu’un poursuit l’ergotage (sur ce que je dis) on verra.
    Mais à vouloir à tout prix montrer que l’Évangile est juif (merci pour les « païens » qui du coup sont largués, pourtant ils constituaient le gros bataillon des chrétiens dès les années 50, avant la rédaction des évangiles), que finalement le Christ n’a fait que vivre et exprimer le judaïsme (lequel ? Puisqu’il a été refondé vers la fin du 1° siècle), il y a des effets collatéraux et finalement pernicieux : dans ce cas, comment se fait-il qu’il y ait encore des juifs et des chrétiens qui sont loin d’être d’accord ? Ça, c’est plus facile à comprendre.
    Le collègue exégète et jésuite, Jean-Marie Carrière, a fait une longue recension du livre de D. Boyarin dans le dernier Cahiers Évangile, n° 166, p. 64-65. Il souligne qu’il manque vraiment 2 choses : la prise en compte de l’intelligence de l’événement Jésus dans les lettres de Paul et la prise en considération du rapport à l’universel romain de l’époque.
    En conclusion, il note : « La thèse de D.B. est salutaire, et son Christ juif tout à fait passionnant ; du point de vue chrétien, il convient cependant de la compléter pour pouvoir dessiner une figure historiquement juste de Jésus. »

    --
    Joseph SARAT

    RépondreSupprimer